Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Germain l’Auxerrois

Dimanche 7 avril 2024 - Saint-Germain l’Auxerrois (1er)

– 2e dimanche de Pâques – Dimanche de la Divine Miséricorde - Année B

- Ac 4,32-35 ; Ps 117, 2-4.16-18.22-24 ; 1 Jn 5,1-6 ; Jn 20, 19-31

Après la proclamation de l’annonce de la Résurrection que nous avons bien entendue la semaine dernière, il semblerait que les évangélistes se plaisent à souligner les difficultés qu’il y a à entrer dans la foi en Jésus ressuscité.

Dans l’évangile de saint Jean, il faut la découverte du tombeau vide par Marie-Madeleine, il faut la découverte du tombeau vide par Pierre et Jean, il faut cette découverte de la venue de Jésus au milieu du groupe de ses apôtres, ceux qui sont restés, les onze, et à la première des deux occasions des dix seulement puisque Thomas n’est pas là. Il est difficile de croire à la Résurrection de Jésus. Si l’Évangile se plait à montrer cela, c’est qu’il s’agit d’une vérité à laquelle il nous faut être attentif. Il n’a pas suffi que dix amis, dix d’entre eux, aient reçu la visite de Jésus, de façon mystérieuse, les portes de la maison où ils étaient étant verrouillées par crainte des Juifs, dit l’évangéliste. Il n’a pas suffi de ce témoignage des dix présents auprès du onzième absent, Thomas, pour que celui-ci crût à la parole qui lui était dite. Le tempérament de Thomas nous est connu par d’autres moments de l’Évangile : il est un homme énergique et prêt à suivre Jésus jusqu’à la mort, il est un homme de vérité qui veut savoir. Il veut savoir ce qui est juste et vrai, il veut expérimenter, et il semble être un homme sans peur d’une certaine façon. Pendant que ses dix amis sont restés enfermés dans la salle par peur de ceux qui avaient mis Jésus à mort, lui est sorti. Peut-être est-il allé voir ce qui se passait ? Peut-être est-il allé à la rencontre de quelques autres pour essayer de comprendre ce qui arrivait ? En tout cas il n’a pas eu peur de sortir, mais à son retour il ne croit pas. Il faut bien que Jésus lui fasse la grâce de venir pour lui, de venir lui montrer ce qu’il a vécu, de venir lui montrer que c’est bien lui avec lequel il a suivi tous ces derniers événements depuis plusieurs mois : c’est bien de lui que Thomas a été aussi le compagnon. Il a fallu que Jésus lui montre que celui avec qui ils ont vécu, celui qui était mort devant eux - mort devant laquelle ils avaient tous fui - est le même qui est aujourd’hui vivant au milieu d’eux. Jésus ayant fait cette grâce à Thomas, l’ayant même invité à toucher ses plaies - mais l’Évangile ne dit pas qu’il l’ait fait – s’exclame de l’acte de foi que nous connaissons bien : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Cette façon de dire qui reconnaît vraiment, cet acte de foi profond, après avoir hésité et douté, c’est bien cela qui nous est transmis. Jésus dit ainsi que le temps de la vision est fini. Le temps de la vision n’est plus celui qui va se prolonger. Il va falloir croire sans voir, il va falloir croire sur parole. Et c’est ce qui nous est arrivé à nous, à travers les siècles, à travers le témoignage des évangélistes, à travers le témoignage reçu par nos pères et nos mères de génération en génération jusqu’à nos propres parents, notre entourage, nos catéchistes.

C’est ainsi que nous avons, un jour, cru à cet évangile, non seulement cru à la beauté du message de Jésus, non seulement cru à la force de cet homme qui se révèle comme Fils de Dieu, mais aussi cru que Dieu l’avait envoyé pour que nous ayons la vie.

Croire cela c’est croire sur parole. C’est croire que ce que d’autres nous ont dit nous a entraîné vers le Christ, nous l’a fait connaître, nous l’a fait aimer, nous a fait comprendre qu’il a vécu au milieu de nous, qu’il a souffert, qu’il est mort, et qu’il est ressuscité et vivant au milieu de nous, chaque jour, dans toutes les circonstances de notre existence : dans les rassemblements que nous formons comme ce soir, dans l’écoute de sa parole, dans la célébration des sacrements, dans la prière, et dans la charité vécue. Croire sur parole c’est donc ce qui nous arrive et ce qui est nécessaire désormais.

La puissance du témoignage des apôtres a été telle, ainsi que nous le dit la première lecture tirée du Livre des Actes des Apôtres, qu’elle a entraîné autour d’eux une première communauté chrétienne. Leur parole a guidé les premiers pas de l’Église, et jusqu’à aujourd’hui ils sont là.

Nous avons aussi reçu en permanence le témoignage des saints de notre histoire chrétienne, nous les avons invoqués le soir de la vigile pascale, avant le baptême des adultes qui étaient là au milieu de nous. Nous avons cru que ceux qui ont eu foi dans le Seigneur, qui ont vécu dans la justice et dans l’imitation de Jésus-Christ, ont fait du bien tout au long de leur vie. Nous avons cru à leur parole, nous sommes entraînés par leur exemple, et nous croyons qu’ils sont toujours là autour de nous, comme une foule immense de témoins pour encourager notre propre foi. Ils continuent d’agir et de prier pour nous et avec nous. Nous ne sommes pas tout seuls, c’est leur parole, leur exemple, comme la parole et l’exemple des plus proches d’entre nous qui nous ont permis d’entendre et de comprendre cette foi dans le Ressuscité.

Alors, aujourd’hui, ayant reçu cette foi, ayant cru ce qui nous a été dit, il nous est demandé chaque jour, par nos paroles et par nos actes, d’être porteurs de ce même témoignage auprès d’autres, nos contemporains et nos successeurs. Il nous est demandé à la fois de rendre compte de la foi qui est en nous, mais aussi de montrer que cette foi nous transforme. Le court récit des Actes des Apôtres que nous avons entendu tout à l’heure le dit : ceux que la puissance de la foi et de la parole des apôtres avait entraînés n’avaient qu’un seul cœur et qu’une seule âme, ils mettaient tout en commun et à la disposition de ceux qui en avaient le plus besoin. La foi reçue, crue, acceptée transforme le cœur et l’ouvre à la charité. C’est ce que nous pouvons espérer de mieux pour être, nous-mêmes, des témoins de la Résurrection du Seigneur.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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