Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe du 3e Dimanche de l’Avent à la Maison Marie-Thérèse

Dimanche 17 décembre 2023 - Maison Marie-Thérèse (14e)

– 3e Dimanche de l’Avent – Année B

- Is 61, 1-2a.10-11 ; Lc 1,46-50.53-54 ; 1 Th5,16-24. Jn 1,6-8.19-28

Frères et Sœurs,

Quand nous entendons le flux des informations qui sont comme un catalogue des catastrophes atteignant le monde, il est difficile de croire que nous sommes invités à être toujours dans la joie… Pour adoucir un peu le message, on entrecoupe les informations de séquences publicitaires qui nous montrent une quantité de produits magnifiques, pour essayer de susciter notre désir et de nous pousser à consommer, et pourtant nous savons que la majorité des gens qui regardent cela ne pourront pas satisfaire ce désir, ils seront frustrés, ce ne sera pas la joie.

Est-ce que c’est bien à ce monde que s’adresse l’oracle du prophète Isaïe ou la lettre de saint Paul aux Thessaloniciens ? Est-ce que c’est bien à ce monde qu’on peut appliquer ces paroles ? Ou bien est-ce que nous imaginons, par hasard, que Jérusalem avait été épargnée de tout malheur, ou serait épargnée de tout malheur, ne serait pas dévastée et mise au pillage ? Ou bien est-ce que nous imaginons que la communauté des Thessaloniciens, seule parmi les premières communautés chrétiennes, aurait été épargnée par la persécution ? C’est pourtant à ces villes dévastées, à ces communautés persécutées, que s’adresse aujourd’hui l’appel de Dieu : Soyez toujours dans la joie.

Alors, évidemment, nous comprenons qu’il existe un décalage entre ce que nous promet la télévision et ce qui est la réalité. Nous comprenons que la joie à laquelle Dieu nous invite n’est ni la tranquillité à l’abri de tout péril, ni la satisfaction de tous les désirs, à quelque prix que ce soit, et à quel prix que ce soit, mais que c’est d’autre chose qu’il s’agit. Et il nous faut essayer de comprendre d’où peut nous venir cette joie. Elle ne nous vient pas de l’extérieur, elle ne nous vient pas de ce que nous recevons, elle ne nous vient pas de ce que nous achetons, elle ne nous vient pas des réalisations que l’homme a pu accomplir, elle nous vient au cœur d’une certitude : Dieu est fidèle et il fera tout ce qu’il a dit.

Sans cette certitude, rien de ce que nous connaissons, rien des épreuves de l’histoire des hommes, aucune des épreuves de notre propre vie, aucun des handicaps dont nous devons souffrir, ne saurait combattre contre cette joie. C’est Dieu qui est notre joie, c’est Lui qui garantit à notre cœur que la promesse de bonheur mise au cœur de l’homme comme un désir, sera accomplie pour nous et pour l’humanité.

C’est le message de Jean Baptiste, témoin de la lumière. Témoin de celui qui est au milieu de nous et que nous ne connaissons pas : « il y a au milieu de vous quelqu’un que vous ne connaissez pas ». Cette présence mystérieuse du Christ au cœur de l’humanité a pris une figure visible à travers son incarnation, à travers sa vie parmi les hommes. Elle est maintenant une figure invisible à travers l’espérance que l’Esprit Saint nourrit en nous. Elle est une figure d’espérance pour son retour.

C’est cette joie qui nous est donnée, de savoir que Dieu n’a pas abandonné l’humanité, que Dieu n’a pas abandonné son peuple, que Dieu ne nous abandonne pas, quelles que soient les difficultés auxquelles nous sommes confrontés, quelles que soient les épreuves que nous rencontrons. Nous savons qu’il y a pour nous, en nous, dans l’histoire des hommes, quelqu’un de plus grand, de plus fort, de plus fidèle, qui accomplira ce qu’il a promis, qui viendra être tout en tous. C’est de cela que nous sommes témoins avec Jean Baptiste.

Quand nous essayons de donner corps à cette joie mystérieuse qui habite nos cœurs, nous savons que ce n’est ni par la tranquillité de la paix, ni par la consommation de ce qui nous fait plaisir, c’est à travers la discrétion d’un geste, d’un sourire que nous donnons, que nous recevons comme un signe de cet amour vivant de Dieu au cœur des hommes.

Dans l’attente de l’incarnation, dans l’attente de la venue du Messie qui annoncera une année de grâce pour tous, nous sommes dans la paix et dans l’espérance. Oui, Dieu ne nous laissera pas, il accomplira ce qu’il a dit.

Amen.

+André cardinal Vingt-Trois, archevêque émérite de Paris

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