Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe du 5e Dimanche de Carême à la Maison Marie-Thérèse

Dimanche 21 mars 2021 – Maison Marie-Thérèse (14e)

– 5e Dimanche de Carême – Année B

- Jr 31,31-34 ; Ps 50,3-4.12-15 ; He 5,7-9 ; Jn 12,20-33

Homélie du cardinal André Vingt-Trois, archevêque émérite de Paris

Frères et sœurs,

La résurrection de Lazare a été un événement déterminant. L’Évangile nous dit que beaucoup de juifs crurent en Jésus, mais il nous dit aussi que les chefs de prêtres et le Sanhédrin, par crainte de cette popularité, décident à ce moment-là qu’il faut en finir. L’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem va accentuer encore leur crainte que la répression des Romains s’abatte sur le peuple. Dans cette foule du pèlerinage de Pâques à Jérusalem, il y a quelques païens, des Grecs nous dit l’évangile de saint Jean, sans doute sympathisants ou craignant-Dieu, ou peut-être tout simplement, comme saint Paul le dira dans l’épître aux Corinthiens, des Grecs qui cherchent une sagesse.
C’est sur cette toile de fond que se détache le discours de Jésus. Aux Juifs qui attendent un Messie glorieux qui les délivrera de l’occupation romaine pour rendre au peuple sa splendeur antique, aux Grecs qui cherchent une sagesse pour supporter les difficultés de la vie, Jésus répond en annonçant la mort comme passage nécessaire à l’avènement de son Royaume. « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt, il reste seul ; et s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12,24). Par ces paroles, il annonce, comme le dit saint Jean, de quelle mort il allait mourir, non seulement pour son peuple, pour ce peuple juif divisé par sa présence, mais encore pour les païens symboliquement présents à travers ces quelques Grecs venus en pèlerinage.

Jésus donne sa vie pour que tous puissent vivre. Mais tous ne vivront pas sans certaines conditions, dont la première et la principale est d’apprendre, à la suite du Christ, que c’est en se détachant de cette vie que l’on naît à la vie éternelle. Celui qui le suit doit apprendre de lui que le salut n’est pas de ce monde, même s’il est dans ce monde. Jésus par le don qu’il fait de sa vie, par le jugement auquel il va être soumis, par la passion qu’il va subir, par sa mort sur la croix, illustre de façon exceptionnelle ce qui constitue le chemin de chacun et de chacune d’entre nous : avancer au long de notre vie - et là où nous en sommes, nous savons que ce chemin est long - pour apprendre peu à peu à être dépouillé de ce qui fait habituellement le bonheur des hommes, « celui qui veut sauver sa vie la perdra ; celui qui perd sa vie à cause de moi la sauvera » (Lc 9,24). Il ne nous appartient pas de savoir comment nous perdons notre vie, mais il nous appartient, jour après jour, de découvrir comment le grain de blé tombé en terre et meurt. Il nous appartient, jour après jour, à découvrir comment nous sommes dépouillés progressivement de tout ce qui faisait l’essentiel, croyons-nous, de notre vie, pour découvrir quel est l’essentiel auquel Jésus nous appelle, c’est-à-dire donner sa vie par amour.

Alors que nous approchons de la célébration de la mort et de la résurrection du Christ, nous sommes invités, comme lui, à devenir vraiment des fils, comme nous le dit l’épître aux Hébreux, c’est-à-dire à accepter non seulement contraints et forcés mais soulevés par l’amour, les souffrances par lesquelles chacune et chacun d’entre nous est appelé à passer jour après jour.

Ainsi, ce temps de notre vie n’est pas un temps de désespoir, c’est un temps d’espérance, car chaque parcelle de puissance que nous abandonnons, ou plutôt qui nous abandonne, devient le chemin par lequel le grain de blé meurt et porte du fruit. Alors, avec le Christ, nous découvrons que lorsque nous sommes « élevés de terre » avec lui, nous sommes attirés par lui avec tous les hommes pour entrer dans la vie de Dieu.

Amen.

+André cardinal Vingt-Trois, archevêque émérite de Paris.

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