Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Confirmations d’adultes du diocèse de Paris à Notre-Dame de Paris

Samedi 18 novembre 2017 - Notre-Dame de Paris

Les vicissitudes de la vie conduisent parfois certains baptisés à différer à l’âge adulte la réception du sacrement de la confirmation. Des événements personnels peuvent déclencher cette prise de conscience. La parabole des talents est un moyen de relire l’histoire de nos vies. C’est une invitation à vivre la foi de façon dynamique et non comme un bien à cacher que l’on aurait peur de perdre. C’est le chemin pour devenir "disciple missionnaire". La confirmation fortifie ce dynamisme.

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 Pr 31, 10-13.19-20.30-31 ; Ps 127 ; 1 Th 5, 1-6 ; Mt 25, 14-30

Frères et Sœurs, chers amis,

Vous qui allez être confirmés, j’ai envie de vous adresser ce soir la parole que saint Paul écrivait aux Thessaloniciens « vous êtes des fils de la lumière, des fils du jour, vous n’appartenez pas à la nuit et aux ténèbres » (Th 5,5). Cette lumière qui vous a illuminés depuis votre baptême, elle a pu rester cacher à vos yeux pendant un certain nombre d’années. Les lettres que vous m’avez adressées pour témoigner de votre cheminement vers cette confirmation manifestent comment, à travers des périodes différentes de votre vie, vous avez pu avoir le sentiment que la foi avait perdu sa vigueur, que la présence du Christ était devenue problématique, bref que vous vous étiez éloignés.

Et voici qu’un événement, différent évidemment pour chacune et chacun d’entre vous, est venu déclencher un questionnement. Cet événement peut être un drame survenu dans votre entourage, la joie de découvrir l’amour d’un partenaire, la responsabilité que vous avez à l’égard de vos enfants, bref, il y a toutes sortes d’événements qui peuvent ainsi servir de déclencheurs à notre prise de conscience. Mais ce qui est commun, c’est que ce déclenchement d’une prise de conscience est en même temps la découverte que nous ne sommes pas propriétaires de l’histoire, de l’avenir et du salut. Chacune de nos existences nous permet de faire l’expérience de ce qu’est notre précarité humaine, pas simplement la précarité sociale ou la précarité économique, mais même la précarité très personnelle de notre liberté. Oui, à travers différents épisodes de notre vie, nous mesurons que nous ne disposons pas par nous-mêmes des forces et des moyens pour surmonter les épreuves de l’existence et retrouver l’orientation positive à laquelle nous aspirons. C’est à ce moment-là que la foi déposée en nos cœurs par le baptême, assoupie par les tracas de la vie, contournée par des refus successifs, réapparaît dans sa vigueur. Oui, il y a en ce monde quelqu’un qui veut notre bonheur, il y a en ce monde quelqu’un qui ne nous abandonne pas à travers les épreuves, il y a en ce monde quelqu’un vers qui nous pouvons nous tourner et exprimer nos prières.

Cette prise de conscience, pour peu que vous ayez eu le courage de la partager, a mis en route pour vous un nouveau chemin dans votre vie, et vous avez découvert que le lien établi au moment de votre baptême entre Dieu et vous, ce lien qui avait pu paraître effacé, sans force, était prêt à ressurgir et à manifester à nouveau sa vigueur. C’est ainsi que peu à peu vous êtes revenus vers Dieu, dont vous aviez pu penser à certains moments qu’il s’était éloigné de vous, mais qui était demeuré tout proche et dont c’était plutôt vous qui vous étiez éloignés.

La parabole des talents est un moyen de relire l’histoire de notre vie. Chacune et chacun d’entre nous a reçu un certain nombre de talents. Vous le savez, les talents ne sont pas ici des talents artistiques, c’est une pièce de monnaie qui désigne une ressource, un trésor. Chacun et chacune d’entre nous a été doté de ce trésor et de cette ressource, de façon peut-être inégale mais très réelle. La question à laquelle nous sommes confrontés, c’est de savoir comment au long de notre vie, nous gérons cette richesse qui nous a été confiée. Est-ce que nous la gérons de façon dynamique ou est-ce que nous la gérons de façon statique ? Trop de chrétiens vivent leur foi dans la peur et même dans l’anxiété. Trop de chrétiens cherchent les moyens de protéger leur foi comme s’ils pouvaient la rendre à Dieu intacte. Ce que la parabole des talents nous fait découvrir, c’est que la foi en Dieu est un dynamisme, une réalité vivante, et qu’elle ne peut pas subsister si nous l’enfermons, si nous la surveillons, si nous la protégeons comme un bien mis en danger. Les chrétiens de la peur ne sont pas les chrétiens du Christ. Ils ont peur de perdre ! Mais qu’est-ce qu’ils ont peur de perdre ? Quelque chose qui viendrait d’eux ? Quelque chose qui serait leur héritage culturel, leur héritage familial, le résultat de leurs travaux ? Ils doivent bien plutôt avoir peur de perdre la lumière vivante que Dieu a mise en leur cœur, non pas pour qu’elle soit « placée sous le boisseau » (Mt 5,15), comme nous dit l’évangile, mais pour qu’elle soit « mise sur le lampadaire » (Mt 5,15) pour éclairer toute la maison. La foi chrétienne telle que le Christ nous en indique les modalités dans cette parabole, c’est une foi qui se risque, c’est une foi que l’on met en jeu dans les différentes circonstances de l’existence, c’est une foi qui se partage, c’est une foi qui s’expose. Que nous soyons, ou que nous nous estimions faibles, trop faibles, pour être les acteurs de ce partage et de cette exposition, c’est assez évident. Mais ce que Dieu veut nous faire découvrir, c’est que ce n’est pas par nos forces, par notre dynamisme, par nos talents que nous pouvons devenir témoins de la foi, c’est par la puissance de l’Esprit qui réside en nos cœurs. C’est pourquoi en vous donnant le sacrement de la confirmation, de la plénitude des dons de l’Esprit qui vont inonder votre personnalité, je vous transmets, non pas seulement un trésor, mais un dynamisme et une force qui vous permettront de vivre votre vie chrétienne non pas comme un trésor en danger, sur lequel vous devriez monter la garde, mais comme un trésor à partager que vous devez faire fructifier de toutes sortes de manières.

Pleinement membres de l’Église, vous êtes appelés, selon la formule heureuse du pape François, à devenir des « disciples missionnaires », c’est-à-dire que votre relation au Christ est appelée à s’ouvrir aux autres, à leur manifester la lumière qui vous éclaire, à les aider par cette lumière partagée à trouver leur propre chemin dans la vie.

Frères et sœurs, recevez pour vous la parole de Dieu que nous avons entendue, entrez dans la joie de votre Seigneur, que la vie chrétienne ne soit pas pour vous une sorte de pensum supplémentaire qui s’ajoute à vos nombreuses obligations mais qu’elle soit pour vous un chemin de joie et de paix, parce que vous savez en qui vous avez mis votre espérance.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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